Les ClubHouses, des Super-GEM destinés au retour à l’Emploi et à la Réhabilitation Sociale
Note de l’éditeur: Il s’git ici d’un article publié début 2019 revisité en février 2021. A l’époque nous ne connaissions bien que le ClubHouse de Paris. Depuis nous avons enfin pu rencontrer les directrices des ClubHouses de Nantes et de Lyon. Notre vision s’en est trouvée grandement modifiée.
Il en existe aujourd’hui 370 dans 30 pays dont une centaine aux États Unis, une vingtaine en Finlande et un en Russie (comme en France jusqu’en 2017 !!!). Ce type de structure est apparu aux États-Unis dans les années 50 au même moment que les clubs thérapeutiques en France. Il s’est répandu dans une trentaine de pays depuis les années 70, avant de voir le jour en France en 2011. 4 autres clubs ont depuis ouvert leurs portes et l’association ClubHouse France qui chapeaute le tout espère bien en ouvrir une vingtaine dans les 10 prochaines années. Contrairement aux GEM financés par l’argent public, les ClubHouses bénéficient d’un important mécénat d’entreprise qui compte suivant les villes de 30 à 70% du budget. Avec les ClubHouses, contrairement aux GEM ou aux Clubs Thérapeutiques qui restent très franco-français, nous sommes clairement dans une démarche internationale, tous étant censés obéir à une charte commune et en étant dans de nombreux pays financés par des multinationales.
Leur objectif est celui de la ré-insertion professionnelle (mais pas que puisque la simple ré-insertion sociale y devient de plus en plus à la mode) et leurs méthodes sont typiquement comportementales. La journée y est organisée comme une journée de travail, avec une réunion quotidienne pour la distribution des tâches et l’organisation de chaque activité : laver le sol, communiquer sur le Club House, préparer la newsletter…. Pour faire bonne figure, la bienveillance y règne en maître (vive le monde de l’entreprise parfaite), et le soir hebdomadaire d’ouverture du ClubHouse est consacré aux activités de détente. A 10h30, une demie heure après l’ouverture des portes qui a lieu toujours exactement à l’heure dite, commence la réunion d’attribution des tâches. Après lecture d’un chapitre de la charte des ClubHouses (comme pour les Alcooliques Anonymes où l’on commence toujours la réunion par l’énonciation d’un des 12 principes des AAA), chacun dit comment il se sent aujourd’hui et chacun de la dizaine de gémeurs présent va choisir sa tâche de la journée. Contrairement aux GEM, consacrées aux activités de groupe, dans les ClubHouses les activités sont réparties en plusieurs sous groupes. Il faut dire que dans un GEM il n’y a souvent qu’un animateur présent, alors que là le staff est généralement de 3-4 personnes.
Comme les GEM les ClubHouses sont autogérés, mais de façon beaucoup plus professionnelle avec moult PaperBoards, panneaux d’activité, hiérarchisation des rôles entre chacun…. Et parmi les salariés du ClubHouse aucun ex-adhérent ou handicapé psychique stabilisé. Les ClubHouses français n’emploient pas d’ex-psychiatrisés. Une des raisons qui est apparue est que les ex psychiatrisés seraient trop proches des adhérents, alors que le but du ClubHouse est de maintenir une distante bienveillante mais respectable entre les 2 castes, celle des adhérents et celle du staff.
On notera d’ailleurs une absence assez forte de relation entre ClubHouse et GEM, sur fond de légère rivalité financière, les uns et les autres se reprochant de capter l’argent disponible. Les deux structures pourtant fort similaires et ayant des buts communs, se connaissent très peu.
Deux espaces de travail Le ClubHouse de Paris est d’ailleurs divisé en deux espaces de travail, la Ruche, consacrée aux activités domestiques et la Forge…. Une fois que l’on choisit l’un des espaces, on ne doit pas en changer. Pour bien montrer que l‘on est dans un univers structuré avec une stricte séparation des rôles homme/femme,….. Les charmes du comportementalisme américain où il suffit de conditionner les adhérents, sont d’autant plus mis en valeur par l’utilisation du jargon anglo-saxon : les salariés y sont appelés le staff, on note les Keypoints de chaque réunion,… A Paris il compte environ 300 membres dont une petite centaine d’actifs. Par comparaison celui de New York, compte 7 unités et 300 membres présents en permanence.
Si on voulait définir en deux mots le ClubHouse de Paris on pourrait parler d’un GEM puissance 5, ce qui correspond plus ou moins au différentiel de richesse, de performativité entrepreneuriale des animateurs et de la diversité des tâches proposées. Là où un GEM dispose d’une dotation de 77 000 Euros par an, le ClubHouse Paris fonctionne avec un budget de 500 000 Euros et une équipe permanente de 6 professionnels, guére mieux payés que dans les GEM semble-t-il.
Il faut dire qu’assurer le suivi hebdomadaire, avec déplacement d’un staff dans l’entreprise,des adhérents qui retravaillent est autrement plus time-consuming qu’organiser des parties de belote. Accueillir un adhérent à l’année au ClubHouse coûte 5000 Euros contre 1300 pour un gémeur. C’est sans doute en grande partie ce différentiel qui explique que le modèle ClubHouse ne se soit pas plus développé en France.
La communication externe du ClubHouse, véritable machine à communiquer, prend aussi beaucoup de temps : accueil des équipes de télévision venues en reportage, mise à jour permanente du site WEB,… On peut le dire, tout autant qu’un lieu de travail le Club House de Paris est une machine à communiquer pour mieux faire connaître le modèle ClubHouse.
Le ClubHouse dispose d’un immeuble avec 200 mètres carrés de surface habitable et une quinzaine de pièces, contre une moyenne de 60 mètres carrés pour un GEM (2 bureaux pour le staff, une cuisine bien sûr américaine de 20 mètres carrés, une immense tablée pouvant accueillir 30 personnes…)
Une sélection relativement drastique
Les ClubHouses sélectionnent énormément leurs adhérents. Pour devenir adhérent d’un GEM, il suffit en général d’y aller quelques fois pendant 2 mois puis d’être accepté comme adhérent par le bureau de l’association. Faire partie du ClubHouse est une démarche qui prend plus de 6 mois et nécessite une série d’étapes : participation à une première réunion de présentation du ClubHouse, puis quelques mois après à une seconde réunion, avant d’être autorisé à participer à une journée au sein du ClubHouse. Une lettre et un contact de vive voix entre le ClubHouse et le psychiatre est demandée.
Et pas question d’entrer dans les locaux sans avoir montré patte blanche et avoir rendez-vous. Alors que la plupart des GEM vous accueilleront de façon sympathique, même si vous n’avez pas prévenu de votre passage, si vous arrivez un peu à l’avance au Club House on vous fera patienter devant la porte jusqu’à l’heure du rendez-vous :”Nous sommes en pleine préparation, revenez à l’heure que nous avons indiquée.” Pas de doute possible : nous sommes bien dans une grande entreprise et pas dans une auberge espagnole.
Commentaires récents